Médecin légiste malgré elle
Sylvie Deschamps avait cessé ses activités de médecin généraliste après la naissance de son deuxième enfant. Rédactrice free-lance pour les agences de communication médicale, elle gérait désormais mieux son emploi du temps et pouvait enfin se consacrer à ses trois passions : son mari, ses enfants et… l’écriture de romans policiers ! Elle avait commencé sa carrière littéraire en participant à d’innombrables concours de nouvelles et venait de remporter un joli succès de librairie avec son premier livre, un thriller largement inspiré d’une histoire vraie. Il s’agissait d’un fait divers auquel elle avait été mêlée et qui avait fait grand bruit dans la région, tout en lui assurant une certaine notoriété locale ayant grandement facilité son installation. Alors qu’elle venait juste de trouver un remplacement, elle allait longtemps se souvenir de l’appel qu’elle reçut au matin du troisième jour, un baptême dont elle se serait bien passée sur le moment, mais qui allait nourrir son imaginaire. Elle n’oublia jamais la phrase qui lui avait déclenché un bref moment de panique.
- Docteur, grand-mère est morte. Est-ce que vous pouvez passer dans la matinée ?
Après avoir téléphoné à un de ses confrères plus aguerri qu’elle, afin de connaître la démarche à suivre, elle se rendit au domicile de la défunte. Quand elle pénétra dans la chambre, elle découvrit la vieille dame allongée sur son lit, la tête callée entre deux oreillers, vêtue d’une élégante robe noire. Sylvie s’était enquis de son âge, quatre-vingt seize ans, et des détails de son décès, survenu dans la nuit, après deux jours d’alitement pendant lesquels son état de santé, d’après son entourage, s’était vite dégradé. La mort ne faisait pas de doute, mais Sylvie, par conscience professionnelle, dégagea un des oreillers, puis tourna légèrement la tête de la défunte pour prendre le pouls carotidien. C’est à ce moment-là qu’elle remarqua une petite tache de sang sur le couvre-lit. Trois personnes de la famille étaient présentes dans la chambre ; elle leur demanda de sortir un instant. Une fois seule, elle fit basculer le corps sur le côté et vit avec effroi le chemisier ensanglanté.
L’enquête montra que la vieille femme avait reçu une décharge de chevrotines dans le dos. Son mari, décédé six mois plus, tôt fut exhumé ; malgré l’état de décomposition du corps, le médecin légiste n’eut aucune peine à attribuer la mort à la même décharge de carabine tirée à bout portant !
« Ne m’appelez pas Bones ! »
Bones est une série télévisée américaine débutée en 2005, toujours sur les écrans, et qui a de beaux jours devant elle tant le sujet, la médecine légale, est inépuisable. Soyons précis ; il s’agit en réalité de la médecine légale appliquée aux affaires criminelles et à l’étude plus particulière des ossements (Bones en anglais). D’où le titre « anthropologie judiciaire », évoquant une discipline faisant appel à des compétences scientifiques variées et très pointues.
À commencer par celles de l’héroïne, Temperance Brennan, experte donc dans ce domaine – c’est un peu la magicienne d’os ! - mais aussi écrivaine, tireur d’élite et spécialiste d’arts martiaux !
Elle est assistée d’une équipe de professionnels, les meilleurs dans leur domaine, qu’il s’agisse de reconstruction en images 3D, d’expertise en informatique, de technique de profilage, d’étude d’insectes ou de minéraux.
Avant tout, elle est secondée par un homme qui alimente aussi l’essentiel de ses histoires de cœur, l’agent spécial du FBI Seeley Booth. On n’est pas dupe, et la naissance de leur enfant à la saison 8 sera le prélude à une vie en commun mouvementée.
Quoi qu’il en soit, c’est grâce à Seeley qu’on voit petit à petit craquer l’armure de la belle Temperance.
Au passage, on note que ce drôle de prénom ne traduit pas exactement le caractère incontrôlable de cette jeune femme, abandonnée par ses parents à l’adolescence et dont on dit qu’elle est « gentille avec les squelettes et dure avec les gens ». Diable !
Mais on aurait tort de bouder notre plaisir, car de nombreuses intrigues dament le pion à bien des scénarios de longs métrages sur des thèmes équivalents. C’est sans doute la raison pour laquelle les douze saisons ont encore de nombreux afficionados, malgré des intrigues amoureuses un peu tirées par les cheveux et l’inévitable et folklorique présence de tueurs en série.
Enfin, en dehors des scènes où nos protagonistes sont sur le terrain de leurs enquêtes, on découvre avec émerveillement le laboratoire et le matériel de leurs recherches scientifiques, celui de l’Institut Jefferson d’anthropologie judiciaire de Washington D.C.
À lui seul, le mur d’ossements est une merveille de cabinet de curiosités. Quand au décor grandiose sous verrière, il a de quoi faire pâlir nos propres spécialistes de médecine légale qu’on imagine, peut-être à tort, officier dans d’obscures caves aux odeurs de formol. Ils se consoleront en se souvenant que le père de la médecine légale moderne est un médecin lyonnais, Edmond Locard, génial inventeur du premier laboratoire de Police scientifique et créateur du Musée du Crime de Lyon.
Un homme qui, à l’image de sa jeune consœur de fiction Temperance Brennan, avait a de multiples talents : graphologue, botaniste, philatéliste, écrivain et gastronome.
À moins qu’en définitive le précurseur de tous ces scientifiques ne soit, né dans la Chine du XIIIème siècle, le jeune Ci Song dont Antonio Garrido nous conte la vie extraordinaire dans son dernier livre Le Lecteur de cadavres (Le livre de poche 2015)
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