SAISON 2 : LA SANTÉ EN SÉRIES

3e Série : Nip Tuck (Création Ryan Murphy)

À vouloir trop bien faire…

Sex, sun and surgery at Miamy !

On aurait dû se méfier ; la série chirurgico-psychopatho-sexuelle Nip Tuck a été créée par un dénommé Ryan Murphy, scénariste de la série American Horror Story et d’un film dont le seul titre nous flanque déjà la chair de poule : Courir avec des ciseaux !

Chef de produit d’un rétinoïde en lancement, Pierre Boudon n’aurait pas raté la Journée de la Société Française de Dermatologie. Confortablement installé dans une des salles du Palais des Congrès, il attendait le début de la conférence intitulée « Quoi de neuf ? » consacrée aux nouvelles techniques de peeling dans l’acné.

 

Il feuilletait une abondante documentation glanée au hasard des stands, quand un homme d’un certain âge, à la chevelure dégarnie, vint s’installer devant lui, à une rangée de fauteuils plus bas. Pierre fut fasciné par la boule régulière et volumineuse qui déformait le cuir chevelu de l’homme, de dos devant lui. Assurément, il s’agissait d’un kyste sébacé, de la taille d’un œuf de cane, surmonté d’une peau lisse et glabre ! Comment, ne s’empêcha-t-il de penser, peut-on garder une si inélégante lésion, alors qu’une intervention banale et indolore en vient si facilement à bout ? À une époque, il aurait peut-être eu le culot d’en parler à l’intéressé, mais une cruelle expérience lui avait appris que chacun est libre de son corps et de son apparence.

 

Cela s’était passé à la fin de ses études de médecine, un soir de garde où un chirurgien l’avait sollicité pour l’aider au bloc. Celui-ci, appelé en urgence, demanda à Pierre de parer la dernière petite plaie située à la lisière du cuir chevelu.

Pierre s’acquitta de sa tâche, tout en lorgnant sur un kyste sébacé de la taille d’une bille, situé à quelques centimètres de la plaie qu’il venait de suturer. L’occasion était trop belle. Profitant de l’anesthésie du patient et de l’inattention du personnel du bloc occupé à d’autres tâches, il incisa délicatement la peau en regard du kyste, en dégagea la gangue à l’aide d’une pince Kocher courbe, avant de l’extraire sans le rompre. À son réveil, le patient n’eut d’yeux que pour sa boule sur le front qui avait disparue ! Il demanda des explications. Pris au dépourvu, le chirurgien lui affirma qu’il avait dû enlever un bout de verre fiché dans sa boule, et extraire son kyste par la même occasion. Pierre, lui, deux heures plus tard, sentit le vent …du boulet et se vit interdire le bloc jusqu’à la fin de son stage. Il apprit, tremblant, que si le patient avait porté plainte pour une intervention de « chirurgie esthétique » qu’il n’avait pas réclamée, il aurait eu beaucoup de souci à se faire pour qu’on lui accorde de poursuivre ses études. Rien que ça !

 

La conférence venait de commencer. Pierre jeta un dernier coup d’œil à son voisin de devant ; il sourit à l’évocation de cette vieille erreur professionnelle, heureusement sans conséquence et, une fois de plus, il se prit à regretter de ne plus exercer, en cabinet ou à l’hôpital, sa passion pour la dermatologie.

Nip Tuck est l’association de deux verbes anglo-saxons qui annoncent la couleur : une traduction littérale donnerait Inciser Retendre. Les deux temps forts d’un bon lifting, une opération qui, au début du XXème siècle, fut à l’origine de la chirurgie esthétique.

 

En cent épisodes, nous apprenons tout de la vie professionnelle et mouvementée de deux brillants chirurgiens associés dans la même clinique de chirurgie plastique, à Miami. Et beaucoup de leur vie personnelle dont on peut dire qu’elle n’est pas un long fleuve tranquille, les déboires conjugaux du premier, Sean McNamara, étant à la hauteur des prouesses sexuelles du second, Christian Troy.

Au décours de la saison 5, ce même Christian résume assez bien leurs philosophies en nous révélant ce qu’il considère comme étant les deux atouts majeurs nécessaires à un chirurgien esthétique « avoir des doigts de fées et une b... énorme ». Voilà prévenus les jeunes prétendants à cette discipline exigeante !

Dans Nip Tuck, le gore et la découpe atteignent des sommets d’invention. Le tout dans une atmosphère de sexe n’ignorant aucun tabou et prétexte à une inévitable introspection à l’américaine sur les fascinations et les dérives d’une société aussi libérée que rongée d’interdits. Cet habile mélange mené sur un rythme haletant a fait le succès des premières saisons, mais il a fini par lasser quand les situations devenaient répétitives ou de plus en plus invraisemblables. L’imagination des scénaristes est pourtant gonflée au Botox.

Ainsi, l’intervention (c’est le cas de le dire !) d’un serial violeur et killer, qui opère (c’est normal !) dissimulé derrière un masque blanc, nous tient en haleine pendant trois saisons ; le temps de soupçonner tour à tour nos héros et bon nombre de personnes de leur entourage. Au final on apprend que le Découpeur (c’est son surnom !) n’est autre qu’un dénommé Quentin Costa, engagé comme chirurgien à la clinique ! Et assisté de sa petite amie qui n’est autre que la fliquette qui mène l’enquête !

Autre manière de maintenir l’intérêt, les invités surprise.

C’est là un procédé classique des séries américaines qui donnent, à nous spectateurs, l’occasion de découvrir de nombreux acteurs et actrices sûrement assez connues de l’autre côté de l’Atlantique, et à Sean et Christian un réservoir varié de patients à opérer. On ne remerciera jamais assez la production d’avoir fait appel à Catherine Deneuve dans un épisode qui restera dans les mémoires. Enfin, au moins dans la nôtre ! Ne voulant pas tuer le suspens, on préfère taire le type d’intervention réclamée par notre Catherine nationale, désireuse de garder son mari décédé auprès d’elle !

 

 

Au final, il faut croire que le sujet de la chirurgie esthétique n’était pas inépuisable. L’intervention sur Treeman, l’homme-arbre, déjà mis en scène dans la série Grey‘s Anatomy, en est le point d’orgue. Le déménagement de la clinique de Miami à Los Angeles a achevé de désorienter des spectateurs, sans doute déjà perdus dans les innombrables intrigues où, à l’image des aventures sans lendemain de nos deux héros, les couples se font et se défont à une vitesse désespérante, et où on ne sait plus quel enfant est de qui.

 

La morale, s’il y en a une, est qu’il est souvent vain de poursuivre des utopies de gloire, d’argent, de beauté et de jeunesse éternelle ; bref, de quoi tuer le rêve américain !

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