La curieuse histoire de Philippe Mercueil
Philippe Mercueil est un chef de produit auquel tout réussit. À la lumière des résultats d’une nouvelle étude indépendante, son psychotrope vient enfin d’avoir l’AMM dans le traitement des douleurs chroniques. Un bonheur n’arrivant jamais seul, la naissance de sa première petite fille est venue apporter un piment supplémentaire à sa vie privée déjà très heureuse. Une présence attendue que les jeunes parents ont mis à profit pour s’offrir la voiture hybride de leur rêve … et le siège enfant qui va avec. Philippe est apprécié dans son entreprise, heureux dans son couple, a des amis fidèles, et pourtant l’apparition, il y a un mois, d’une dermatose, certes indolore, mais à la présence rebelle et obsédante, lui gâche la vie. Toute la paume de sa main droite est envahie par une lésion croûteuse, non suintante, mais légèrement prurigineuse. Une horreur, selon ses propres termes ! En tout cas, un handicap chaque fois qu’il doit serrer des mains, obligé, chez les personnes qui ignorent son mal, d’inventer une coupure malencontreuse qu’il dissimule sous un pansement enveloppant sa main. Une gêne aussi pour la plupart de ses travaux manuels. Malgré la localisation étrange de la lésion, le médecin traitant de Philippe a évoqué un psoriasis, tenté une crème émolliente et même quelques séances de PUVA-thérapie. Sans résultat ! Réservé sur l’effet des crèmes corticoïdes en l’absence de diagnostic, il a préféré adresser son patient à l’hôpital, en consultation ambulatoire de dermatologie.
Philippe a attendu une heure avant qu’une secrétaire l’introduise dans le bureau du médecin. Étrange personnage, débraillé, les cheveux en bataille, mal rasé, assis à un bureau vide, en dehors d’un ordonnancier et d’une collection de Bic de toutes les couleurs. Il ne s’est pas levé. Après avoir grommelé un vague bonjour, il lui a juste fait signe de s’asseoir d’un mouvement de menton désignant un des deux sièges. Philippe est si décontenancé par l’accueil et la dégaine du praticien qu’il s’exécute, muet de surprise.
- Vous voulez voir la lettre de mon médecin traitant ?
- Si vous voulez.
Après une lecture rapide, ponctuée de brefs hochements de tête, le médecin a enfin regardé Philippe dans les yeux, puis posé une seule question.
- Dites-moi quels sont les changements importants intervenus dans votre vie depuis un mois ?
Philippe a rassemblé ses esprits et raconté les heureux événements qui ont éclairé ses dernières semaines.
- Vous êtes garé loin, lui a demandé le docteur « mystère » ?
- Non, tout près dans le parking.
- Je vous accompagne !
Il a ouvert un tiroir de son bureau pour y prendre un cutter. Puis il s’est levé et a saisi une canne que Philippe n’avait pas vue. C’est à ce moment précis qu’une image a traversé son esprit, sortant Philippe de sa stupeur, s’étant même demandé si ce médecin ne se fichait pas de lui.
L’image d’Hugh Laurie dans Dr House !
Ils trouvèrent la voiture. Le médecin, découpa au cutter une fine lamelle de plastique du changement de vitesse. Puis il revint à son bureau et fixa le copeau ainsi prélevé sur le dos de Philippe au moyen d’un sparadrap. La réaction allergique au plastique du levier de vitesse qui se déclencha en vingt-quatre heures ne laissa aucun doute sur le diagnostic !
Mais qui est le vrai Dr House ?
Aucun médecin digne de ce nom n’accepterait de se reconnaître dans le Dr Gregory House ! Mal aimable, prétentiard, peu amène avec les patients, dont il retarde toujours le moment de la rencontre, visiblement associable, il cultive son anticonformisme et sa misanthropie dans les couloirs de l’hôpital universitaire de Princeton-Plainsboro. Et pourtant, si ses méthodes brutales et peu empathiques choquent, quel médecin, à son exemple, n’a pas secrètement rêvé de faire montre de ses talents en diagnostiquant une maladie sur laquelle tout le monde s’est cassé les dents ? C’est que le Dr House, sous ses faux airs bourrus et désabusés, cache un homme d’une redoutable perspicacité, mettant des connaissances étendues au service de véritables enquêtes, faisant de lui un Sherlock Holmes du mystère médical. Et ce n’est pas par hasard si la série comporte de nombreuses allusions à peine voilées au personnage créé par Conan Doyle ; les scénaristes poussant l’analogie jusqu’à faire du Dr Wilson l’ami, le seul, du Dr House, non sans rappeler un certain Dr Watson ! Enfin, au-delà de leur passion pour la résolution d’énigmes, nos deux célèbres enquêteurs sont musiciens, House au piano, Holmes au violon, et tout deux dépendants aux drogues, House au Vicodin, Holmes au tabac et parfois à la cocaïne. House, Holmes, plus que deux premières lettres de leur nom en commun !
Si l’on a un peu de patience, c’est-à-dire si l’on dépasse les cent premiers épisodes (sur 177 répartis en 8 saisons), on commence à avoir une bonne idée de la biographie de House, de sa personnalité, de l’origine de sa blessure, de ses amis et amantes, et de ses passions. Dans l’ordre, nous apprenons qu’il a beaucoup voyagé dans son enfance, en raison des déplacements de son père, militaire de carrière. En Égypte, il prend goût aux mystères de la traque archéologique, et au Japon, l’exemple d’un médecin « de l’impossible » le marque à jamais ; deux expériences et rencontres qui décident de sa vocation pour les problèmes médicaux irrésolus. Au passage, il apprend de nombreuses langues, utiles dans son métier d’investigation sur des patients étrangers. Ses études de médecine le mènent à la psychiatrie et aux sciences comportementales, mais il se fait prendre dans une sombre affaire de tricherie qui entraînera son exclusion de plusieurs hôpitaux, avant un poste définitif à Princeton-Plainboro.
Nous avons vu que le personnage est irascible et cynique, caractère dû, n’en doutant pas, à une enfance difficile, mais aussi à cette fameuse blessure, constamment douloureuse et qui explique son addiction au Vicodin (hydrocodone et paracétamol) qui le conduit plusieurs fois en clinique psychiatrique et en cure de désintoxication. Son infarctus du quadriceps droit, plus ou moins bien pris en charge, lui a apparemment laissé de lourdes séquelles et l’obligation de se déplacer en s’aidant d’une canne, objet de nombreuses farces.
Anticonformiste, il a l’élégance de se ficher du qu’en-dira-t-on, et d’afficher du mépris pour toute forme d’autorité. Autant dire que la vie avec ou près du Dr House n’est pas des plus simples. On ne lui connaît qu’un vrai ami, le Dr Wilson, quelques sympathies pour d’anciens camarades de fac et même des patients, et des liaisons féminines, Stacy Warner, une avocate, puis Lisa Cuddy, la directrice de l’hôpital, liaisons qui seront pour le moins mouvementées. Son mariage avec une prostituée ukrainienne, Dominika, clôture les aventures sexuelles du docteur !
J’oubliais : il ne porte quasiment jamais de blouse blanche, juste histoire que les patients ne l’identifient pas comme un médecin ; une approche de la médecine comme une autre !
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