LA SAISON 1 DES MARQUES QU'ON AIME (de 1960 à 2015)
Contraception : de la pilule au RU 486
C’est une étrange machine qui fait l’événement ce matin à l’agence Sterling Cooper, une grosse machine encore dans son emballage et qui pour l’instant trône dans l’espace ouvert où les secrétaires ont leur bureau. Curieusement, Joan, la grande organisatrice de la logistique n’est pas là ! Une affaire plus sérieuse la retient à l’autre bout de l’agence, précisément dans le local cuisine où elle vient de s’enfermer avec Peggy. Peggy est en pleurs, ce qui est le signe d’un réel désarroi chez cette jeune femme qui sait par ailleurs contrôler ses émotions.
- Peggy, qu’as-tu ? Je ne t’ai jamais vu dans des états pareils.
- Je suis une sotte, Joan, une fille stupide.
- Et sûrement un peu plus, pour te défigurer de cette façon. Dis-moi.
- J’ai couché avec Pete.
- Toi, avec ce bellâtre prétentieux ?
- Je ne sais pas ce qu’il m’a pris. La peur de dire non, sans doute.
- Bon, je ne vais pas te jeter des fleurs, mais tu t’en remettras, tu sais. Et lui aussi ; il a même dû oublier dès qu’il était sorti de ta chambre.
- Sauf qu’il y a plus grave, je suis enceinte.
- Peggy, là t’es impardonnable. Je te rappelle quand même que nous sommes en 1961, que tu travailles dans une des agences de communication les plus modernes de la ville, que les préservatifs ne sont pas faits pour lancer des bombes à eau et surtout qu’il existe depuis l’année dernière un produit miracle qui s’appelle la pilule. Enovid, si tu n’as pas retenu le nom. J’ai même proposé à Roger de démarcher le laboratoire Searle afin qu’on travaille pour eux et qu’on puisse avoir des échantillons gratuits.
- Je sais, Joan, je suis impardonnable.
- Non sotte, comme tu le disais si bien. Bon, je te laisse, il faut que j’aille installer la nouvelle photocopieuse, sinon les filles vont caqueter autour, jusqu’à la fin de la matinée.
New York – 12 mars 1961
Aucune liste n’est capable de rendre compte de la diversité des techniques contraceptives utilisées depuis des milliers d’années, sur tous les continents. Il est probable qu’au cours des siècles, le vagin a été le réceptacle de substances aux vertus prétendument contraceptives les plus variées, des graines de grenade aux excréments de crocodiles, de la cire d’abeille aux tampons faits de gomme arabique et de dattes, et des cotons imbibés de citron, d’huile de safran ou d’acacia, à l’eau froide additionnée ou non de savon ou de vinaigre.
Il faut attendre le milieu du XVIIe siècle pour qu’un certain Condom, médecin de Charles II d’Angleterre (1630- 1685), mette au point un «fourreau » masculin en boyau animal ; le latex le remplacera définitivement, quelques années après sa découverte en 1839 par Charles Goodyear (1800-1860). Quant à la contraception féminine, elle a connu une efficacité certaine avec l’invention du diaphragme par Wilhelm Peter Mensinga en 1882, de la méthode Ogino en 1924 (Kiasuku Ogino), du stérilet en 1928 (Ernst Graffenberg), de la méthode Knauss des températures, des éponges, du préservatif féminin dans les années 1990, des bâtonnets sous-cutanés en 1993, de l’anneau vaginal en 2001 et des patchs hormonaux en 2002.
Mais c’est bien sûr l’invention de La pilule en 1956 qui révolutionne la contraception au point d’être un facteur décisif dans l’avancée des droits des femmes. Il faut rendre hommage à Margaret Sanger, une infirmière New Yorkaise, qui, dès 1912, a voué sa vie au contrôle des naissances, bravant les interdits de l’époque concernant toutes les formes de contraception et d’avortement. On lui doit la création du premier centre de planning familial et la motivation de nombreux chercheurs à mettre au point un contraceptif oral. Ce fut le cas de Miramontes, âgé de seulement 26 ans, qui synthétisa la noréthistérone en 1951. La première pilule, connue sous le nom d’Énovid© est mise au point par les médecins Gregory Pincus et Min Chuh Cheng, et l'obstétricien John Rock. Elle est approuvée par la FDA et commercialisée dès 1960. Rappelons néanmoins qu’il faut attendre 1967 en France pour que la loi Neuwirth autorise enfin la contraception orale. Énovid, retirée du marché en 1988, inaugurait les pilules dites de première génération. Beaucoup d’autres suivent, soit combinées, contenant œstrogène et progestérone, soit pilule progestative seule. En fonction de leur date de mise sur le marché et de leur composition, elles sont alors appelées pilules de 2ème, de 3ème génération dès les années 1990 et, plus récemment de 4ème génération.
Le contrôle des naissances connaît une deuxième révolution avec une nouvelle molécule mise au point en 1981, un stéroïde qui, lui, ne prévient pas la grossesse, mais l’interrompt dans les heures suivant la fécondation. Il s’agit du fameux RU 486 (RU pour Roussel-Uclaf) dont on doit la découverte de l’activité anti-progestérone abortive au Professeur Étienne-Émile Beaulieu. Le RU 486 avait été synthétisé auparavant par des chercheurs du laboratoire (R. Deraedt, D. Philibert et G. Teutsch), travaillant sur des molécules anti-glucocorticoïdes. En effet, avant d’être la pilule du lendemain que l’on connaît, le RU 486 fut approuvé dans le traitement des dépressions psychotiques et du syndrome de Cushing. Commercialisé sous le nom de Mifépristone, le RU 486 connaîtra une commercialisation erratique, où les introductions sur le marché seront parfois suivies de retrait devant les menaces de boycott par les militants anti-avortement, comme ce fut le cas en 1997 en Allemagne. Cela ne donne que plus de portée à la phrase prononcée en 1988 par Claude Evin, le ministre de la santé de l’époque : « Le RU 486 est devenu la propriété morale des femmes, pas seulement la propriété de la société pharmaceutique ».
Le dicton du jour :
« Un petit mot sur la contraception orale. J’ai demandé à une fille de coucher avec moi et elle m’a répondu « non » !
Woody Allen
L’Agence Sterling Cooper vient de commander une nouvelle photocopieuse, mais cela n’a pas jeté l’émoi parmi le personnel, habitué à disposer d’outils informatiques performants. Parce que c’est le cœur de leur métier, nos médecins sont au fait de l’actualité pharmaceutique, scientifique, certes, mais celle aussi qui touche le grand public. En matière de contraception, les dernières années ont été riches en événements et si la pilule reste un moyen de contraception le plus utilisé dans le monde, ils savent que les usages varient beaucoup d’un pays à l’autre. En effet, la pilule et le préservatif sont privilégiés dans les pays développés, alors que dans les pays en développement, ce sont plutôt la stérilisation féminine et le stérilet. Malgré cela, près de 45 millions de femmes ont recours à une interruption volontaire de grossesse et environ la moitié sont des avortements à risque. C’est forts de ces informations que les experts en communication médicale de Sterling Cooper élaborent une stratégie de communication internationale pour que chacune des filiales de leur client global, lance avec succès la nouvelle gamme gynécologique qui apportera aux femmes du monde entier un bénéfice médical.
Paris – Mars 2015 –
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